L'interview : François Matton

François Matton dessine. Un trait juste et intelligent. De l'humour. Et parfois, de l'érotisme. C'est l'objet de cet entretien.

Avez-vous toujours dessiné des sujets érotiques ?

 Les premiers dessins dont je me souviens qu'ils ont surpris mes parents étaient des dessins de Rahan, le fils des âges farouches, à demi nu, tel un Tarzan de la préhistoire. On peut donc dire que j'ai toujours dessiné des sujets érotiques.


Vous souvenez-vous de votre premier dessin érotique ?

Eh bien en plus de Rahan que je viens d'évoquer, il y a une fille qu'on apercevait, les seins nus, au fond d'un car très couleur locale en quatrième de couverture d'un Grand Reportage de mon père. Cette fille était d'autant plus fascinante que le photographe ne semblait pas avoir photographié ce car pour elle — qu'on voyait peu et qui était en bordure du champ de la prise de vue. C'était le "punctum" absolu. Je l'ai beaucoup dessiné, elle et ses jolis seins (manière de me masturber, bien évidemment).

Travaillez-vous sur vos dessins érotiques aussi facilement que sur les autres ?

Oui, aussi facilement que le reste. Je ne veux pas dire que je dessine tout facilement, mais si ce n'est pas facile je ne le dessine pas. Le dessin, et à plus forte raison le dessin érotique, est lié au plaisir pur, immédiat. Ça ne s'accommode pas d'un défi à relever ou d'une prouesse quelconque.


Préférez-vous représenter telle ou telle partie anatomique ?

Non. Et il ne faudrait surtout pas que j'aie une quelconque préférence. Il faut être amoureux de tous les angles, de tous les aspects, de toutes les parties, de chaque ombre, de chaque creux et que l'on en découvre toujours de nouveaux à chaque fois avec émerveillement.


Quel est le plus difficile à réussir dans un dessin érotique ?

En général je crois que le plus difficile est que les personnages qu'on dessine ne soient pas figés ni trop "identifiable" sur le plan social (ça paraît curieux, mais je trouve qu'il n'y a rien de plus tue-le-désir que de reconnaître une profession à travers un personne). Les mauvais dessins érotiques sont toujours un poil trop réalistes.

Quel est le plus agréable à faire en dessinant érotique ?

Le tout premier trait qui va placer, caractériser et définir le corps dans son ensemble. C'est la première caresse.

Votre technique ou vos techniques : stylo, crayon, d'après modèle, d'après photo...

Le premier stylo qui se trouve à ma portée fera l'affaire, mais j'ai remarqué qu'ils induisent tous une façon différente de dessiner (c'est lié à aux différentes vitesses de tracés). Mes dessins au crayon sont toujours un peu plus lents, un peu plus tremblants, un peu plus classiques et un peu plus subtils.
Après avoir longuement dessiné uniquement d'après modèle vivant, je dessine maintenant beaucoup d'après photo. Ça entre presque dans un projet plus ou moins conceptuel. Je puise dans des sources misérables (pornos cracra ou au contraire images aseptisées d'origine industrielle), mon pari est alors de réinsuffler de la vie, de l'humour et de la singularité par le seul fait du dessin (toujours plus touchant qu'une photographie).

Où dessinez-vous ?

Principalement dans mon bureau. Quelque fois, rarement, "sur le motif".

Fétichisme : avez-vous besoin d'un objet, d'une tenue ou d'une ambiance particulière pour dessiner ?

Non. Je veux juste qu'il n'y ait personne et pas de musique.

Citez vos références en matière de sexe en art (œuvres, artistes, mouvements...)

"Le sexe en art" ? C'est une chose à laquelle je n'ai jamais bien pensé. Il y a bien sûr les incontournables dessins des estampes japonaises, et ceux de Rodin, de Klimt et de Kokoschka. Avant eux ,ceux de François Boucher et de Fragonard. Mais la sexualité explicite en art est un sujet un peu fastidieux. La photo (qui certes peut être un art) et la vidéo la saisissent mieux, avec plus d'évidence.

3 de vos œuvres et vos commentaires (choix du sujet, anecdote, relation particulière avec ce dessin...)

De toutes vos questions c'est celle qui demande le plus d'effort pour y répondre.
Comme je suis très paresseux, je m'en abstiendrai.

Le blog : http://francois-matton.over-blog.com
Le site de François Matton : http://www.francois-matton.com
Publications chez P.O.L., dont le superbe Autant la mer

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